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Décès de Youssefi, une grande figure politique marocaine et maghrébine

Abderrahmane Youssefi inaugurant une avenue portant son nom à Tanger, sa ville natale, sous les applaudissement du roi Mohammed VI.

Abderrahmane Youssefi, qui vient de mourir à l’âge de 96 ans – il a été enterré hier, vendredi 29 mai 2020 à Casablanca – était une des principales figures du Panthéon politique marocain, avec le roi Mohammed V, Abdelkrim Khattabi, promoteur de la République du Rif, le président du parti de l’Istiqlal Allal El-Fassi, le militant nationaliste et unioniste arabe Mohammed El-Basri, alias El-F’kih, son ami et compagnon de luttes, Mehdi Ben Barka, Abderrahim Bouabid et le syndicaliste Mahjoub Ben Seddik.

Par Hassen Zenati

Résistant de la première heure – il était encore lycéen à Rabat lorsqu’il s’engagea dans l’Istiqlal – pour l’indépendance de son pays de l’occupation française, engagé dans le camp progressiste arabe, africain et tiers-mondiste, il avait conduit le Maroc en douceur vers la démocratie, en assumant en 1998 une alternance à laquelle le conviait le roi Hassan II, un an avant de disparaître.

L’option démocratique contre «l’aventurisme révolutionnaire»

Son «intronisation» marquait la fin des «années de plomb» et tournait une longue page d’affrontements, souvent violents, entre le parti qu’il avait fondé avec Mehdi Ben Barka en 1959, l’Union nationale des forces populaires (UNFP), rebaptisée en 1975 Union socialiste des forces populaires (USFP). Dès cette année, il soutient l’option démocratique contre «l’aventurisme révolutionnaire» qui était la marque de l’UNFP. Rentré au pays quelques années plus tard, il succédera à Abderrahim Bouabid à la tête du parti.

C’est lui que le roi Hassen II choisit pour assurer la sortie des «années de plomb»

D’une rare perspicacité politique, il avait compris qu’il ne fallait pas rater l’occasion historique qui était ainsi offerte par Hassan II à l’opposition dans des circonstances sur lesquelles pesaient la dégradation de l’état de santé du souverain et la disgrâce de son tout-puissant ministre de l’Intérieur Mohammed Basri, bête noire des partis d’opposition, grand «faiseur» d’élections au profit du Palais. Il n’y avait pas son pareil pour créer en un tour de main un «parti du Makhzen» à l’approche de chaque élection et de le faire gagner contre tous ses adversaires. Prélude à ce virage politique décisif, Youssefi obtenait en 1994 de Hassan II, à l’issue d’une longue négociation, une amnistie générale en faveur des tous les détenus et exilés politiques marocains.

Le compagnon Mehdi Ben Barka se souvient

Après la disparition de Hassan II, Abderrahmane Youssefi, définitivement converti à la social-démocratie, accompagnera son fils Mohammed VI, dans ses premiers pas au pouvoir à la tête d’une monarchie autocratique, qu’il ambitionnait de faire évoluer vers une monarchie constitutionnelle. Il quitte le gouvernement en octobre 2002 sur un bilan mitigé : la bouteille à moitié pleine pour les uns, à moitié vide pour les autres, avant de se retirer de la vie politique en 2003, s’astreignant à un long silence, qu’il ne brisera qu’après la publication de ses mémoires : ‘‘Récit du passé’’ en 2018. Il y évoque notamment le rapt de son compagnon Mehdi Ben Barka par des barbouzes liés à la police française, à Paris le 20 octobre 1965. Le corps de Ben Barka n’a jamais été retrouvé alors que des incertitudes subsistent depuis 55 ans sur le commanditaire en dernier ressort de l’opération.

Mohammed VI au chevet de Abderrahmane Youssefi peu de temps avant sa mort.

Né à Tanger le 8 mars 1924, Youssefi fut membre du secrétariat général de l’UNFP-USFP, et rédacteur en chef de son organe ‘‘Attahrir’’ entre 1959 et 1965. Avocat de formation, il fut arrêté à deux reprises par la police marocaine durant les «années de plomb». Contraint à un long exil en France entre 1965 et 1981, il consacrera son long séjour à suivre les affaires du Maroc, alors en pleine dérive royale, au soutien des luttes palestiniennes et à la création de l’Organisation arabe des droits de l’homme, basée au Caire. Il militait enfin en faveur d’un Grand Maghreb Arabe Uni, dans le sillage de la conférence de Tanger qui avait réuni au 27 au 30 avril 1958, les trois principaux partis engagés dans la lutte anticolonialiste : l’Istiqlal (Maroc), le Front de libération nationale (Algérie) et le Néo-Destour (Tunisie).

L’homme était secret, mais affable dès qu’on l’approchait, d’une très grande culture et fidèle en amitié.

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