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‘‘L’affaire Cambridge Analytica’’ : le leurre de la démocratie à l’heure de la psychométrie

L’affaire Cambridge Analytica apporte la preuve que les techniques de recueil massif des données, de psychométrie, de segmentation des populations, de micro-ciblage et d’études du comportement permettent désormais de déterminer en temps réel, grâce aux données recueillies sur les plateformes numériques, l’humeur du public et les messages les plus à même de l’influencer. Allez parler ensuite de démocratie et de représentation populaire !

Par Dr Mounir Hanablia *  

Le témoignage rapporté par une ancienne cadre de la société Cambridge Analytica expose les techniques sophistiquées de manipulation de l’opinion publique que permettent  les plateformes numériques comme Facebook à partir des données recueillies sur les utilisateurs et l’accès qu’elles ouvrent aux exploitants, contre rétribution financière, dont on peut faire usage au mieux de ses intérêts dans les domaines les plus variés, y compris et surtout la politique, sans le consentement nécessaire des personnes étudiée.

Cambridge Analytica, une société dont les milliardaires Bob et Beka Mercer étaient les actionnaires principaux, avec à sa tête le Britannique Alexander Nicks et dans son conseil d’administration le spécialiste des médias Steve Bannon, a ainsi pu influencer les élections américaines grâce à ce qu’on a appelé la segmentation Ocean et le super PAC, dans un sens favorable à Donald Trump en dissuadant de nombreux noirs pauvres dans les «switch states» d’aller voter pour Hillary Clinton par le biais de vidéos de la candidate démocrate ou de l’épouse de l’ancien président Barack Obama, utilisées hors de leur contexte.

La manipulation des élections

L’usage de la segmentation et du micro-ciblage des électeurs a rendu possible le choix des messages publicitaires auxquels chaque catégorie répertoriée se révélait la plus sensible. Mais la collaboration de la société avec les groupes d’extrême-droite britanniques UKIP et Leave. EU ainsi que les déclarations imprudentes de quelques-uns de ses dirigeants ont attiré l’attention de journalistes ainsi que l’intérêt du Commissaire de la Commission de l’Information de la Chambre des Communes Britannique qui ont voulu en savoir plus.

Ce n’était pas la première fois que Cambridge Analytica suscitait ainsi l’intérêt. Elle avait déjà été accusée d’avoir exploité les informations recueillies sur Facebook concernant près de 80 millions d’usagers de la plateforme. La société avait dû s’excuser et s’engager à détruire les données recueillies, mais il s’est avéré plus tard que les données en question avaient été utilisées dans la campagne électorale de Donald Trump, à son bénéfice.

De surcroît, l’un des directeurs de la société, un certain Seven, avait collaboré avec Aleksandre Kilimnik, accusé de travailler pour le compte de la Russie. Et c’est ainsi qu’au cours de l’enquête ouverte par le procureur spécial Robert Muller, la question s’était posée de savoir si Cambridge Analytica n’avait pas servi de cheval de Troie à l’espionnage russe dans la manipulation des élections américaines.

Il est apparu ensuite que la société était également intervenue dans les élections au Nigeria, au Kenya, au Mexique, en Indonésie, à Trinidad tobago, et sans doute d’autres pays dans le monde.

Influencer l’humeur du public

Que Cambridge Analytica ait été dissoute ne doit cependant pas occulter la réalité: les techniques de recueil massif des données, de psychométrie, de segmentation des populations, de micro-ciblage et d’études du comportement permettent désormais de déterminer en temps réel, grâce aux données recueillies sur les plateformes numériques, l’humeur du public et les messages les plus à même de l’influencer.

En Tunisie on peut d’autant plus s’interroger sur le rôle éventuel d’influenceurs occultes  lorsqu’on s’aperçoit avec quelle aisance les régimes politiques changent, et les mesures économiques les plus impopulaires sont acceptées. L’existence de telles sociétés spécialisées dans la guerre psychologique remet en question la légitimité de la démocratie, à commencer là où elle est supposée être le plus fermement établie, et explique dans une certaine mesure la montée et le succès du populisme.

* Médecin de pratique libre.

 »L’affaire Cambridge Analytica ; l’entreprise qui a siphonné les données de 87 millions d’utilisateurs », de Brittany Kaiser, traduit de l’nglais ‘Etats-Unis), éd. Harper Collins, 22 Janvier 2020.

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