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Tunisie : un nouveau revers politique pour Kaïs Saïed  

Les résultats du second tour des législatives anticipées en Tunisie ont été conformes aux prévisions : une nouvelle déroute politique pour le président Kaïs Saïed. Mais que peut-on sérieusement attendre de ce dernier, sinon qu’il persévère dans sa fuite en avant dans l’impasse où il a engagé le pays depuis le 25 juillet 2021 ?     

Par Ridha Kefi

Nous n’accuserons pas la commission électorale d’avoir falsifié les résultats du second tour des législatives tenues hier, dimanche 29 janvier 2023, non pas parce que son président Farouk Bouaksker a défié les journalistes qui le prétendent de prouver cette falsification devant la justice, mais parce que les résultats préliminaires annoncés par ses services sont assez éloquents en eux-mêmes et prouvent s’il en est encore besoin que les Tunisiens ont massivement boycotté le vote comme il l’avaient déjà fait au premier tour.

Le taux de 11,3% annoncé par M. Bouasker lui-même est presque équivalent à celui du 1er tour, qui était de 11,22%, et qui avait provoqué des appels à arrêter un processus électoral dont seul le président Kaïs Saïed, ses partisans et «son» Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dont il avait désigné lui-même par décret tous les membres, voyaient l’intérêt.

Les Tunisiens dégoûtés des élections

Sous d’autres cieux, dans une vraie démocratie, ce second camouflet électoral aurait suscité une avalanche de démissions, à commencer par celle de celui qui avait remué ciel et terre et fait dépenser à un Etat exsangue des montants exorbitants pour financer la tenue d’élections dont peu de citoyens voyaient l’intérêt. Mais au-delà de la signification politique de cette déroute électorale du «parti» du président, force est de constater aussi que la commission électorale a «réussi» à faire dégoûter les Tunisiens des élections et à les éloigner encore plus des bureaux de vote, en imposant son contrôle exclusif de la campagne électorale dans les médias, comme ce fut le cas au temps glorieux de la dictature.

Résultat : hier, seule la chaîne publique Watania 1 a organisé un show électoral avec un plateau auquel ont été conviés les analystes et les experts acquis au projet politique du président Saïed. Ce n’était pas seulement ennuyeux de platitude, c’était aussi révoltant de constater ce retour aux vieilles habitudes d’une information à sens unique que l’on croyait  révolue depuis très longtemps.

Bien sûr, personne n’a empêché les chaînes privées d’organiser elles aussi des émissions spéciales pour suivre les élections, mais si elles se sont gardées de le faire, c’est parce que l’atmosphère pesante imposée par la commission électorale n’encourageait pas à faire le pas. Et puis, ce choix n’était pas non plus dénué de calcul. Ces élections étaient, à l’évidence, un non-évènement et ne méritaient peut-être pas un déploiement logistique et humain d’autant plus couteux qu’il n’allait pas se traduire par une grande audience. Et pour cause: les gens ont la tête ailleurs…

Encore un pas dans l’impasse  

Pour revenir à ce nouveau revers électoral de M. Saïed, personne ne se fait d’illusion sur la suite. Le président de la république, dont l’obstination dans l’erreur n’est pas le seul défaut, ne manquera pas d’accuser le coup et d’y voir même, avec toute l’effronterie qu’on lui connaît, une nouvelle victoire contre ses adversaires : les agents de l’étranger, les traîtres, les corrompus, les spéculateurs et autres ivrognes… Et ce sont ses mots, pas les nôtres…

Cela ne l’avancera, bien sûr, à rien et enfoncera encore davantage la Tunisie dans l’instabilité politique et la crise économique et sociale. Et confirmera aussi à ceux qui en doutent encore, qu’on ne peut attendre de cet homme qu’il reconnaisse ses erreurs et fasse amende honorable.

Il y a peu de chance, en effet, que M. Saïed renoue le dialogue avec ses adversaires politiques dans le cadre d’une opération de sauvetage de ce qui reste encore à sauver dans un pays qui va à vau l’eau et dont la notation souveraine vient d’être rétrogradée, la veille du scrutin, pour la dixième fois depuis 2011, par l’agence Moody’s, à Caaa2 avec perspective négative, et qui risque la cessation de paiement et le passage, peu glorieux, devant le Club de Paris pour le rééchelonnement de sa dette devenue insoutenable.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui en Tunisie. Seule nouveauté : nous avons désormais sur les bras un parlement très mal élu et dont on ne sait à quoi il pourrait servir dans un système politique hyper-présidentiel pour ne pas dire despotique où le chef de l’Etat détient tous les pouvoirs, et davantage encore, et ne semble pas prêt à en lâcher la moindre parcelle. Pas même à un parlement aux ordres !

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