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‘‘Under Fire’’ : un bouc émissaire à Washington

Le colonel Oliver North est ce marine américain décoré au Vietnam membre du Conseil national de sécurité sous le président Ronald Reagan et qui s’était trouvé poursuivi par le Congrès et la Justice de son pays pour violation de la loi sur l’aide aux Contras Nicaraguayens, entrave à la justice, détournements de fonds d’associations à buts non lucratifs, et qui avait fait l’objet de pas moins de seize chefs d’accusation. Il lui avait fallu pas moins de cinq années de combat judiciaire qui avait défrayé la chronique médiatique avant d’être finalement acquitté.

Par Dr Mounir Hanablia

Aux Etats-Unis, beaucoup tiennent toujours Oliver North, plus de 30 ans après les faits, pour un héros victime d’une injustice. Or dans ce livre, la thèse que les auteurs soutiennent est celle du règlement de comptes politique dont à Washington l’officier n’a fait que subir les conséquences, entre d’une part certains membres du parti démocrate qu’ils qualifient de gauchistes et l’administration républicaine américaine pour laquelle il travaillait et qui n’a pas hésité à lui faire endosser le rôle de bouc émissaire de la politique en réalité approuvée par un président, qui pour se défendre a néanmoins prétendu tout ignorer des faits.

Un marchand d’armes iranien au service des Israéliens

Quels sont ces faits ? Il y a eu tout d’abord ce voyage incroyable et inutile à Téhéran au beau milieu de la guerre Irak-Iran en compagnie du conseiller à la sécurité nationale Robert Mc Farlane à la recherche d’une hypothétique faction modérée du gouvernement iranien. Qu’un conseiller du ministre israélien de la défense fût également du voyage aurait pourtant dû soulever des questions légitimes qui malheureusement n’ont pas été abordées dans le livre.

Amiram Nir, l’homme en question, avait-il bien risqué sa peau en débarquant à l’aéroport de Téhéran sous une fausse identité, ou n’était-ce qu’une illusion? Le plus haut échelon de l’administration américaine se révéla ainsi le jouet d’un marchand d’armes iranien affabulateur dont seuls les Israéliens étaient garants.

Puis il y a eu cette décision de financer les Contras Nicaraguayens, un financement auquel la CIA avait dû mettre fin après une résolution du Congrès, sur les livraisons au prix fort d’armes et de pièces détachées en faveur de l’armée iranienne équipée de matériel américain qui menait une guerre coûteuse contre l’Irak, des livraisons assurées en grande partie par les Israéliens. Et ce sont évidemment des intermédiaires opérant pour leur propre compte, à commencer par les marchands d’armes assurant les livraisons, mais aussi les Saoudiens et d’anciens agents de la CIA installés pour leur propre compte, qui se sont chargés de la chose grâce à des fonds déposés sur des comptes bancaires dans des paradis fiscaux.

Ainsi l’administration américaine pouvait légitimement prétendre n’avoir en rien violé les lois de son pays. Évidemment, l’argument ultime du colonel North, par ailleurs un chrétien dévot, pour justifier tout cela, est d’ordre moral: l’administration américaine était en droit de faire tout ce qui était possible afin de sauver les otages occidentaux enlevés par des factions libanaises proches des Iraniens, tout comme elle se devait de protéger tous ceux qui en Amérique Centrale ou ailleurs, aidaient leurs peuples à instaurer des régimes démocratiques en empêchant la propagation du communisme. Mais elle a fait plus: elle a poursuivi les terroristes de l’Achille Lauro, bombardé Kadhafi à Tripoli, et il ne faut pas l’oublier, elle a envahi la Grenade. 

La conclusion de la guerre au Nicaragua grâce à des élections démocratiques assurant la défaite des sandinistes était ainsi portée au crédit de la politique dont l’auteur avait été le promoteur et l’exécutant, celle du soutien aux Contras, interdite par le Congrès; tout comme la défaite et le retrait des Soviétiques d’Afghanistan fut le fruit de la même politique, cette fois soutenue à la fois par l’Administration et le Congrès, et qui finalement conduisit à l’émergence d’Al-Qaïda et aux attentats du 11 septembre 2001.

Un monde désormais moins sûr

De toute évidence, l’opinion finale de l’auteur lors de la parution du livre au début des années 90 sur un monde désormais plus sûr où vivraient ses enfants n’a hélas pas été confirmée par les faits, bien au contraire. Elle a démontré combien la vision du monde de Ronald Reagan et de ses disciples néo-conservateurs obéissant à des pré-établis, comme la défense de la démocratie, se parant de justifications morales et ignorant les causes réelles des faits, était porteuse de situations conflictuelles.

La dernière lubie en date, celle du droit du peuple ukrainien à se libérer de la domination russe et à instaurer une démocratie, a ainsi conduit à une guerre aventureuse menaçant la paix mondiale dont peu pourraient prédire au sein de l’actuelle administration américaine, quelle sera la conclusion.

En conclusion, le colonel North tel qu’il apparaît dans son livre fut certes un marine décoré au Vietnam, rompu à l’obéissance; mais dans un monde de politiciens sans scrupules, de manipulateurs professionnels et de maîtres espions, avec sa vision manichéenne des choses, les bons d’un côté, les mauvais de l’autre, il fut surtout une simple marionnette sans jamais donner l’impression de le réaliser vraiment, y compris lorsqu’à la fin, il faillit en payer un prix exorbitant.

La lecture du livre d’Oliver North laisse la pénible impression qu’au fond, il n’a pas pris toute la mesure des implications de son témoignage; à commencer par la succession d’évènements qui vu la nomination d’un colonel inconnu des marines au Conseil national de sécurité, jusqu’à ce coup de téléphone du général Rabin, alors ministre israélien de la Défense, qui a impliqué cet officier inconnu dans un Grand Jeu qui le dépassait manifestement. Étrange destinée!

‘Under Fire: An American Story Broché’’, de Oliver North (with William Novak), ‎ Post Hill Press, 512 pages, 12 juin 2018.

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