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L’autorité politique seule justiciable de la sélection des candidats à la présidence

Dans le débat actuel sur les conditions de sélection des candidats à la présidence de la république, opposer l’autorité de la commission électorale à celle du tribunal administratif n’est pas convaincant et ne fait que fournir de l’eau au moulin de ses adversaires.   

Dr Mounir Hanablia *

Je ne suis ni juriste ni politicien et je me bornerai à apporter par cet article ma modeste contribution à un débat qui exacerbe les passions et les ambitions afin d’épargner à mon pays des contorsions supplémentaires dont son peuple après plus de dix années de traversée du désert n’a nul besoin.

La récente décision du tribunal administratif de répondre favorablement aux requérants concernant leurs candidatures aux élections présidentielles et celle de l l’Isie d’en surseoir l’application, sont en train de plonger le pays dans une ambiance insurrectionnelle propice à tous les dérapages.

La question n’est pas de savoir si les décisions du tribunal administratif sont supérieures à celles de toute autre institution officielle ainsi qu’on s’obstine à la considérer, pour des raisons qui n’ont rien de juridique. Les magistrats de la cour n’ont jamais prétendu détenir le pouvoir d’accorder à des candidats le droit d’être présidentiables. Ils ont simplement dit que les raisons pour lesquelles certains parmi eux avaient été rejetés par l’instance électorale n’étaient juridiquement pas valables. Mais celle-ci, au lieu de faire amende honorable, a jugé bon de dénoncer à postériori la participation de certains juges et a donc transposé l’objet du débat, tout à fait à tort selon moi, vers le conflit des juridictions, l’Isie n’étant nullement une cour de justice, quoiqu’étant susceptible d’infliger des sanctions aux contrevenants.

Le droit de choisir ses adversaires

En réalité et ainsi que tout le monde l’a compris, le véritable objet du litige est de savoir si le chef de l’Etat qui est lui-même en course pour un autre mandat, a ou non le droit de choisir ses propres adversaires.

A priori, il est facile de dire qu’il ne l’a pas, mais il ne s’agit là que d’une opinion empirique, autrement dit basée sur le simple bon sens et sur le sentiment commun de justice que la complexité des réalités ne justifie souvent pas.

Dans les pays qualifiés de démocratiques dont les corpus juridiques sont les plus évolués, différents mécanismes existent, visant à contrôler les candidats, et à s’assurer qu’ils ne violent pas les lois constitutionnelles, civiles, pénales, administratives, ou même communes. Or ces mécanismes se trouvent pour une large part sous le contrôle de l’autorité politique et non pas des juges.

A titre d’exemple, il y a en France le Conseil constitutionnel qui valide les comptes de campagne des candidats aux élections présidentielles. Au milieu des années 90, Roland Dumas, son président socialiste, avait validé les comptes du candidat de droite Edouard Balladur, alors que de sérieuses réserves sur leur régularité avaient été exprimées par les délégués de la Cour des comptes. Des soupçons quant à l’origine des rétro-commissions en rapport avec l’attentat de Karachi au cours duquel onze ingénieurs français devaient décéder, avaient été exprimés sans que des preuves formelles y aient été apportées. Pour se justifier Roland Dumas avait nié avoir été en droit d’annuler l’ensemble des élections présidentielles à cause de cette histoire, et que l’intérêt de son pays lui avait imposé d’agir comme il l’avait fait.

Le second exemple a trait aux contacts établis entre le candidat à la présidence Donald Trump avec des émissaires de Vladimir Poutine lors de la campagne électorale et publié après son élection à la présidence. L’enquête du procureur indépendant Robert Muller n’avait pu établir sa culpabilité, faute de preuves, alors que l’attorney général Bill Barr n’avait pas hésité contre toute évidence à le laver de tout soupçon. C’est ce même Bill Barr qui allait abandonner les charges du ministère de la Justice contre Mike Flynn, l’ami du président Donald Trump, pourtant coupable  de crime fédéral. Il ne faudra pas non plus oublier le commentaire du sénateur Mitch Mc Connell chef du parti républicain jugeant inutiles après l’attaque du Capitole toute sanction contre un président sur le départ.

La Tunisie n’a jamais été en reste durant les années Ennahdha : Béji Caïd Essebsi avait gracié l’un de ses proches, condamné par la justice. Rached Ghannouchi, le président «élu» du parlement grâce à l’apport décisif de Nabil Karoui, n’hésitait pas à prendre l’avion d’Istanbul après des séances nocturnes à l’ARP sans en référer à quiconque et sans que nul n’eût été informé de l’objet de son voyage.

Plus récemment encore la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique avait disculpé le président Trump de toute accusation de violation des lois fédérales sur les documents secrets. La Cour suprême dont plusieurs des membres lui devaient leur nomination avait estimé que le président dans l’exercice de ses fonctions était soit non justifiable de toute poursuite, soit non justifiable jusqu’à preuve du contraire, et que seuls les actes n’ayant pas trait à ses fonctions pouvaient être jugés.

Les garde-fous institutionnels nécessaires

Tous ces exemples prouvent que, étant dépositaire de l’intérêt supérieur de l’Etat,  l’autorité d’un président de la république en exercice est toujours supérieure, et que celle des magistrats y obéit toujours, quoiqu’on en dise.

On peut certes faire le reproche au président Kaïs Saïed de ne pas s’être entouré des garde-fous institutionnels nécessaires lui évitant de s’exposer en première ligne. Ainsi opposer l’autorité de l’Isie à celle du tribunal administratif n’est pas convaincant et ne fait que fournir de l’eau au moulin de ses adversaires. Une commission parlementaire aurait mieux fait l’affaire afin de sélectionner les candidats. 

N’en déplaise à tous les thuriféraires d’une démocratie idéalisée, à fortiori à l’heure de l’Internet et réseaux sociaux évaluateurs et influenceurs d’opinions en temps réel, il demeure du devoir de tout Etat de s’assurer que les candidats à la magistrature suprême veillent à respecter ses intérêts les plus fondamentaux, et le président Macron en apporte présentement la preuve. Et de cela, des magistrats disposant d’un simple dossier afin de répondre à une question ne sauraient être les meilleurs juges.

* Médecin de libre pratique.  

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