Bochra Bel Haj Hmida, ancienne députée (2014-2019) et présidente de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe, 2017-2019) est citée parmi les accusés dans l’affaire dite de «complot contre l’Etat» dont les audiences vont s’ouvrir demain, mardi 4 mars 2025, à Tunis. Elle vient de publier une lettre ouverte à ses «amies et camarades» sur la revue de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), qu’elle avait présidée (1995-2001). Nous reproduisons ce texte ci-dessous, en rappelant que l’avocate défenseure des droits de l’Homme en général et de ceux des femmes en particulier est réfugiée en France depuis 15 mois.
Mes amies, mes camarades, toutes les militantes de l’Association tunisiennes des femmes démocrates.
Toutes mes amies et tous mes amis où que vous soyez.
J’hésite à écrire cette lettre moi qui ai si peu l’habitude d’hésiter !
Voilà quinze mois que je suis loin de mon pays, de ma famille, des êtres qui me sont chers et de ma vie parmi vous. Que puis-je dire alors que depuis quinze mois, je suis tenue si loin du paysage général de mon pays?
Dois-je partager avec vous mes colères et la tristesse que je ressens dans les conditions actuelles que je vis ? Comment oser en parler quand tant d’autres Tunisiennes, tant d’autres Tunisiens croupissent injustement en prison?
Comment parler de moi-même, de ma situation personnelle alors que Chadha, Abir, Saâdia, Meriem, Sonia et Chérifa sont derrière les barreaux?
Comment pourrais-je, vous décrire la vie que je mène en exil sans vous parler de ce profond sentiment d’injustice qui m’habite au quotidien? Quand tant d’autres sont privé-e-s de leur travail, de leur famille, de leur liberté de circulation?
Peut-être m’avez-vous connue en colère, contestataire et peu accommodante, mais jamais vous ne m’avez vue défaitiste et abattue!
N’est-ce pas à moi qu’il reviendrait plutôt de vous relever le moral; à moi, qu’il reviendrait de semer l’espérance, de rassurer sur l’avenir de notre pays ?
Ne suis-je pas tenue de vous redonner de l’espoir et de vous rassurer sur l’avenir de notre pays? Ne suis-je pas appelée à comprendre plutôt vos soucis, d’être solidaire, de partager avec vous le rire, les réussites, la danse, le chant et aussi, quand elles arrivent, les difficultés et les désillusions?
Mon expérience des luttes en commun m’a appris que la Tunisie, dans toutes les circonstances, et malgré toutes les épreuves s’en sort toujours victorieuse! Que les femmes Tunisiennes n’arrêteront jamais de défendre leurs acquis, de lutter pour plus de droits, plus de libertés, pour avancer vers l’égalité entière et effective.
Debout, résistantes, regardant toujours plus haut, c’est ainsi que nous avons toujours été et nous le resterons.
Nous avons préservé notre unité et notre solidarité en dépit de toutes nos différences et dans la pluralité. Bien plus ce sont ces différences qui nous ont appris la valeur du soutien mutuel, de l’entente en vue de suivre des parcours en commun et de tracer ensemble le chemin qui mène à notre libération. Que l’injustice continue ou que s’embrouillent les motifs qui veulent la justifier, nous serons encore capables d’en traverser encore les étapes les plus dures.
Et c’est pour cette raison que nous nous devons de continuer avec détermination à renforcer ce qui nous unit, à défendre et à protéger notre association.
Et pour terminer, je voudrais dire merci à toutes celles et à tous ceux qui par un mot, par des messages individuels ou collectifs, par une position ou par une action m’ont exprimé leur soutien. Nous nous retrouverons inéluctablement et bientôt dans notre pays, un pays plus beau et plus ouvert !
B. B. H.
L’article Tunisie | Bochra Bel Haj Hmida écrit de son exil : «Nous nous retrouverons bientôt» est apparu en premier sur Kapitalis.
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