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Le cancer en Tunisie | Les déterminants socioculturels d’une pathologie «sans nom»

En Tunisie, les cancers les plus fréquents chez les hommes concernent le poumon, la vessie, la prostate, le côlon et le rectum. Chez les femmes, les localisations les plus répandues sont le sein, le côlon, le rectum, la thyroïde et le col utérin. Le cancer est ainsi devenu la première cause de mortalité en Tunisie depuis 2021, représentant aujourd’hui environ 15,6% de l’ensemble des décès, devançant même les causes de décès historiques telles que le diabète (7,6% des décès) et les maladies cardiovasculaires (6,8% des décès).

Deux raisons majeures ont poussé le Professeur Sofiane Bouhdiba à écrire son nouveau livre ‘‘Le cancer en Tunisie. Une maladie sans nom’’. C’est d’abord un vibrant hommage rendu à une proche parente emportée, comme tant d’autres, par le cancer. Ce livre est également né d’un constat dramatique : en 2023, la Tunisie a connu quelques 22 101 nouveaux cas de cancer, toutes localisations confondues, avec une surmasculinité de l’incidence : 11 773 chez les hommes et 10 328 chez les femmes.

Qu’est-ce qui a poussé le Pr Bouhdiba à s’intéresser à cette pathologie en écrivant ‘‘Le cancer en Tunisie. Une maladie sans nom’’ ? Le sociologue spécialiste de la mortalité ne pouvait rester insensible face aux ravages du cancer. C’est ainsi que ce livre décrit d’une manière critique l’épidémiologie du cancer en Tunisie, mais ambitionne également d’analyser le plus finement possible les déterminants socioculturels du mal, et surtout de comprendre la nature de la souffrance, et donc la capacité de résilience des personnes touchées d’une manière ou d’une autre par un cancer.

Malgré les difficultés d’enquêter, par rapport à une cause de mortalité plus banale comme les maladies cardio-vasculaires ou les insuffisances respiratoires, le Pr Bouhdiba a tout de même été en mesure de collecter et épurer le matériau nécessaire, notamment sous la forme de statistiques et de rapports institutionnels ou émanant de la société civile, ainsi que quelques émouvants témoignages d’hommes, de femmes, d’enfants. Homme de terrain, l’auteur a complété son travail de recherche avec une rigoureuse enquête de nature qualitative menée en milieu hospitalier.  

Les réflexions qui font l’objet de ce livre sont organisées autour de quatre grandes parties, à peu près équilibrées.

La première partie de l’ouvrage, répartie en trois courts chapitres introductifs, commence par définir le cancer, avant de décrire brièvement l’épidémiologie du cancer dans le monde. L’auteur a également cru pertinent de s’interroger sur la signification profonde de la cause de décès, car «mourir du cancer» est une affirmation bien réductrice.  

La deuxième partie du livre traite de l’épidémiologie du cancer dans le cas spécifique de la Tunisie, et est partagée en quatre chapitres. Il commence par contextualiser le cancer, en le replaçant dans le cadre de la transition épidémiologique qu’a connue le pays depuis son accession à l’indépendance en 1956. L’auteur examine ensuite la mortalité par cancer selon une approche différentielle, en soulignant notamment les effets du sexe et de l’âge sur la répartition des décès. Le cancer de l’enfant, particulièrement dramatique, fait l’objet d’un chapitre spécifique.

Dans sa troisième partie, le livre passe en revue, toujours avec un œil critique, les réponses apportées aujourd’hui par le gouvernement, mais également par la société civile, à la propagation du cancer en Tunisie. Ainsi, après un bref examen de l’histoire de la carcinologie en Tunisie, l’auteur tente de replacer la stratégie individuelle de survie dans le cadre d’un itinéraire thérapeutique bien particulier. Il montre ensuite dans quelle mesure la stratégie nationale de prévention et de dépistage du cancer se heurte aujourd’hui encore à des barrières, certaines ayant une nature universelle, mais la plupart étant liées à la culture arabo-musulmane.

La dernière partie de l’ouvrage examine la prise en charge du patient cancéreux tunisien, et montre que la victoire sur la maladie, loin d’être une fin en soi, marque au contraire le début d’une nouvelle vie, avec ses joies et surtout ses peines. Car, selon le Pr Bouhdiba, la guérison malmène autant le corps que l’âme.

Sofiane Bouhdiba est Professeur de démographie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis. Grand voyageur, il a enseigné dans de nombreuses universités en Europe, en Afrique et aux Etats Unis, et participé à un grand nombre de conférences internationales sur diverses thématiques liées à l’étude des populations, et notamment la morbidité et la mortalité.

Spécialiste mondial de la mort violente, il a publié plus d’une vingtaine de livres publiés en France et en Tunisie, et une bonne soixantaine d’articles scientifiques publiés en français et en anglais dans des revues internationales de haut niveau.

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